Avocat au Barreau de SAINT-GAUDENS
Vente immobilière et responsabilité de l'agent immobilier

L’amiante et la responsabilité de l’agent immobilier

Auteur : MOUNIELOU Etienne
Publié le : 12/04/2023 12 avril avr. 04 2023

L’agent immobilier est tenu d’une obligation de conseil envers ses clients, et ce rapport de droit ne date pas d’hier. Déjà, la Cour de Cassation dans sa décision du 15 juillet 1999, n° 97-18.894, avait pu retenir ce fondement pour condamner tel professionnel :

« Mais attendu, d'abord, que l'arrêt constate que, concomitamment à la signature de l'acte de vente du 21 mai 1992 par Mme Y..., l'agence s'était fait établir par celle-ci un mandat de vente de son propre appartement de sorte qu'elle se trouvait tenue envers elle d'un devoir de conseil en sa qualité de professionnel de l'immobilier ; qu'ensuite, pour retenir la responsabilité de l'agence, la cour d'appel a relevé les manquements de celle-ci à l'obligation de conseil à laquelle elle était tenue envers Mme Y... en n'avertissant pas cette dernière, qui, au su de l'agence, projetait d'acquérir un immeuble et d'en vendre un autre, des risques que comportait une telle opération ; qu'elle devait notamment l'alerter de l'incertitude de la vente de son appartement avant l'arrivée de la date prévue pour la réitération de la vente convenue avec Mme X... et lui conseiller l'insertion dans ce dernier acte d'une condition suspensive relative à la vente de son bien et au moins s'assurer qu'elle disposerait bien en temps utile des fonds nécessaires ; qu'enfin, ayant souverainement constaté qu'il n'apparaissait pas et qu'il n'était pas soutenu que l'agence eût informé Mme Y... de tous les risques que lui faisait courir l'opération projetée et qu'elle l'ait ensuite utilement conseillée sur la façon de les éviter, la cour d'appel a, par là-même admis que la clause considérée n'avait pas été acceptée par Mme Y... en connaissance de cause ; qu'il s'ensuit que le moyen, qui n'est pas fondé en ses première et quatrième branches, est inopérant en ses deux autres branches ; »

Pareille obligation n’a eu de cesse depuis d’engendrer un contentieux toujours plus nourri, à la hauteur des enjeux de l’immobilier.

C’est dans cette perspective que la Cour de Cassation a été amenée à se prononcer dans un arrêt du 16 mars dernier, n° 21-25.082, relatif au cas particulier de l’amiante.

Des acheteurs avaient fait l’acquisition, par l’intermédiaire justement d’un agent immobilier, d’un pavillon à l’endroit duquel un diagnostiqueur avait pourtant conclu à l’absence d’amiante.

Découvrant par la suite des traces d’amiante, ils ont alors assigné les deux professionnels aux fins de les voir condamnés à les indemniser à hauteur de 185. 899 euros. 

La cour d’appel de Poitiers les a condamné à cette somme, avec une répartition de 15 % pour l’agent immobilier et de 85 % pour le diagnostiqueur. Comment le premier aurait-il pu savoir ce qui était du ressort du second ? C’est qu’on lui rapprochait d’avoir ignoré que le bien immobilier était une maison « Mondial Pratic », dont la réalisation suppose la construction à base d’amiante. 

La Cour de Cassation a formulé la chose en ces termes :

« 9. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, mandataire du vendeur, l'agent immobilier ne pouvait ignorer que le bien dont il réalisait la vente était une maison du type « Mondial Pratic », procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant de l'amiante, et que c'est seulement après la vente que, par des recherches sur internet, l'acquéreur avait été informé de la possible présence d'amiante dans le bien concerné.

10. Ayant exactement retenu qu'il incombait à l'agent immobilier de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s'agissant de caractéristiques essentielles du bien vendu, elle a pu déduire de l'ensemble de ces énonciations que celui-ci avait commis une faute engageant sa responsabilité.

11. Le moyen est donc inopérant en ses deux premières branches.

La sanction est sévère, mais elle est juste : le conseil suppose de délivrer une information conforme aux attentes mêmes de la personne à laquelle elle est destinée.

Le conseil implique en conséquence la vigilance. Jusqu’à remettre en cause le travail d’un autre professionnel ? Désormais, c’est certain. Les obligations sont autonomes les unes des autres.  Néanmoins, quid de la condamnation pécuniaire ? Il aurait pu sembler adéquat de songer à une perte de chance, en ce que les acheteurs ont bien été privés d’une opportunité favorable.

La Cour y répond : 

12. Ayant relevé qu'il résultait des constatations de l'expert que la maison était inhabitable dès lors que la présence d'amiante empêchait même les travaux les plus ordinaires nécessaires à l'entretien et à la vie courante, la cour d'appel a souverainement retenu que le préjudice des acquéreurs résidait non dans une perte de chance mais dans le coût intégral des travaux nécessaires pour supprimer cet élément omis que les deux responsables devraient supporter à raison de leurs fautes respectives et a ainsi légalement justifié sa décision. »

Au-delà de la seule question relative à l’amiante, les risques en matière d’acquisition immobilière sont légion. Ce n’est certainement pas cette décision, au bénéfice de la protection des acheteurs, qui devrait changer la donne. 


Cet article n'engage que son auteur.

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