De la qualification en droit de la consommation
Auteur : MOUNIELOU Etienne
Publié le :
09/06/2023
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La bascule d’une relation contractuelle dans un régime ou dans l’autre a nécessairement des incidences essentielles sur les règles qui lui seront applicables : clauses confrontées à des dispositions d’ordre public, complément dans le silence des stipulations, etc… Et en pareil domaine, le droit de la consommation est particulièrement redoutable. En effet, sur la question du droit de la vente, l’entièreté du titre II du Code de la consommation, régissant l’ensemble des pratiques commerciales, est applicable aux contrats de vente et aux contrats « en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix ».
D’emblée, on comprend que le législateur n’entendait pas se laisser abuser par des dénominations pour mieux étudier le contenu même des obligations réciproques entre les parties.
Dans ce fameux titre II, on retrouve notamment les dispositions relatives au droit de rétractation.
La confrontation est attendue : ce droit peut-il trouver à s’appliquer dans des droits qui ne l’auraient pas initialement prévu ?
C’est le sens de la décision rendue par la première chambre civile du 17 mai 2023, n° 21-25.670 :
« La cour d'appel a constaté que le contrat litigieux conclu entre la société Media systeme, [N] [Z] et Mme [Z] avait pour objet la fourniture d'un kit photovoltaïque et d'un chauffe-eau, leur installation complète et leur mise en service.
Elle a exactement retenu que ce contrat mixte, portant sur la livraison de biens ainsi que sur une prestation de service d'installation et de mise en service, devait être qualifié de contrat de vente.
Ayant constaté que le bon de commande comportait une information erronée quant au point de départ du délai de rétractation, elle en a exactement déduit que ce délai, prorogé de douze mois, n'était pas expiré lorsque [N] [Z] et Mme [Z] se sont rétractés de leur engagement et qu'en conséquence les contrats de vente et de crédit affecté avaient pris fin.
Le moyen n'est donc pas fondé. »
On avait ainsi un contrat, quoiqu’usuel, qui comprenait tant une partie fourniture qu’une partie prestation de services. Il était, comme le rappelle la Cour, mixte.
Il est ici qualifié de contrat de vente, confirmant la position de la cour d’appel, mais un débat aurait véritablement pu avoir lieu : l’obligation principale d’un contrat de production d’énergie est-elle la fourniture de bien, ou n’en est-ce que l’accessoire ?
Passons cet aspect. Quel est impact de cette qualification sur le droit de rétractation ?
L'article L. 221-20 applicable en l’espèce prévoyait une sanction, en ce que :
« Lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18. »
Dans la mesure où le contrat initial ne s’estimait pas contrat de vente au sens du droit de la consommation, il n’a pas mentionné les informations relatives au droit de rétractation.
Et est donc sanctionné plein pot par la Cour de Cassation en validant l’action des clients qui ont souscrit début octobre 2017 et qui se sont rétractés à la fin du mois de janvier, soit près de quatre mois après au lieu des quatorze jours normalement accordés.
Ce qui, en l’espèce, n’est pas du tout anodin.
La société qui s’était pourvu en cassation voit son contrat anéanti, elle doit récupérer à ses frais le kit des 12 panneaux photovoltaïques, le ballon thermodynamique et tous les éléments afférents à l'installation, doit assumer tous les frais de dépose et de remise en état initial et doit en outre restituer une partie des sommes versées.
Et ce alors même que le contrat en question était un contrat de production d’énergie, de telle sorte que les consommateurs ont pu en bénéficier pendant tout ce laps de temps.
D’aucun diront que la sanction est logique dans une visée protectrice du consommateur.
Il n’en demeure pas moins que la rédaction même d’un contrat de consommation constitue un risque pour le professionnel dès lors qu’il viendrait à être mal rédigé.
Les analogies à réaliser sont immenses : les dispositions du titre II couvrent un champ gigantesque, et pléthores de contrats peuvent être qualifiés de la sorte.
La vigilance ne se joue définitivement pas uniquement au stade de l’exécution du contrat, mais dès sa rédaction.
Cet article n'engage que son auteur.
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